• Vigny - Le Cor



    J'aime le son du cor le soir au fond des bois
    Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
    Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible acceuille,
    Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

    Que de fois, seul, dans l'ombre à minuit demeuré,
    J'ai souri de l'entendre, et plus souvent pleuré!
    Car je croyais ouïr des ces bruits prophétiques
    Qui précédaient la mort des Paladins antiques.

    Ô montagne d'azur! ô pays adoré!
    Rocs de la Frazona, cirque de Marboré,
    Cascades qui tombez des neiges entraînées,
    Sources, gaves, torrents des Pyrénées;

    Monts gelés et fleuris, trônes des deux saisons,
    Dont le front est de glace et le pied de gazons!
    C'est là qu'il faut s'asseoir, c'est là qu'il faut entendre
    Les airs lointains d'un cor mélancolique et tendre.

    Souvent un voyageur, lorsque l'air est sans bruit,
    De cette voix d'airain fait retentir la nuit;
    À ses chants cadencés autour de lui se mêle
    L'harmonieux grelot du jeune agneau qui bêle.

    Une biche attentive, au lieu de se cacher,
    Se suspend immobile au sommet du rocher,
    Et la cascade unit, dans une chute immense,
    Son éternelle plainte au chant de la romancé.

    Âmes des chevaliers, revenez-vous encor?
    Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor?
    Roncevaux! Roncevaux! dans ta sombre vallée,
    L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée!

    Alfred de Vigny, Livre moderne, "Le Cor" - 1 -


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